Vous le connaissez comme étant le danseur des clubs les plus hots du Village, mais sachez que Steve Ace n’a pas toujours été Adorable! Son histoire est captivante et rempli de surprises!
Monsieur Divertissement: Bonjour Steve! En plus d’avoir l’entrée la plus divertissante de toute la lutte québécoise, j’ai lu que tu étais l’un des lutteurs actifs avec le plus d’ancienneté au Québec. Bref, ton parcours m’intéresse grandement et je rêve d’en savoir plus sur toi!
Steve Ace: Mon histoire à la lutte est un peu folle. J’ai commencé à 17 ans les entrainements, je me suis blessé pour ensuite rencontrer celui qui a fait de moi un lutteur, Len « Kojak » Shelley. J’ai eu une première année de fou, même la NCW avait changé ses règles pour moi. Mais, mon attitude a gagné trop de place. Après je me suis promené pour finalement aboutir à la ICW. Il y a beaucoup à dire. Je n’ai jamais été de type à fermer ma gueule, mais je ne l’ouvre pas pour rien non plus. Je connais tout le monde dans l’industrie, mais si je faisais un flat à 3h de chez nous en pleine nuit, je ne crois pas que mon premier reflexe serait d’appeler un lutteur pour me venir en aide. Je n’ai pas nécessairement cette relation là avec personne.
Tu viendrais chez moi et il n’y a rien de lutte. J’ai réellement 2 vies. Ma vie personnelle et celle de l’Adorable Steve Ace. Lui, sa vie est plus folle que la mienne. Il va très très loin pour divertir. Quand je lutte, outre le fait que je ne souhaite jamais blesser quelqu’un, le plus important pour moi est de revenir dans le vestiaire et me dire que lorsque les spectateurs vont quitter, qu’ils vont raconter qu’il y a eu un lutteur qui a même fait monter un spectateur pour lui faire un lap danse. Ça aussi c’était totalement improvisé la première fois. Or, la réaction de la foule a été tellement intense que j’ai décidé de le garder. Pour avoir un bon impact, tu peux pas faire monter une fille, mais en faisant monter un gars, la foule au complet devient sur mon côté.
J’ai lutté partout et nul part. Mais, de j’ai souvent été un régulier à la ICW. Cependant, puisqu’à l’époque la ICW roulait toutes les fins de semaine, je ne me promenais pas. Donc, quand la pandémie a pris fin et que la ICW n’a pas repartie. Je me suis donc posé la question à savoir ce qui arriverait avec moi. Je ne m’étais pas promené du tout depuis plusieurs années. J’ai décidé d’envoyer des messages et la réponse a été bonne. Le premier à me dire oui a été Shayne Hawk à la IWS. Après, les appels sont entrés.
J’ai fait énormément de route les 2 dernières années. J’ai été partout où j’avais envie d’aller. De la NSPW en Beauce en passant par la GPW de Gatineau avec des arrêts à la BCW, à Drummondville, Montréal, l’Épiphanie, Saint-Félix-de-Valois, Saint-Apollinaire et c’est sur que j’en oublie; j’ai eu beaucoup de plaisir. Regarde, samedi je suis à Montréal, la semaine suivante à Saint-Damase pour la NSPW et le 23 septembre Coteau-du-Lac pour la BCW.
Mr D: Comment a commencé ton amour pour la lutte?
Steve: Du plus loin que je me souvienne, la lutte est là. J’ai grandi avec ma mère et ma soeur. Ma mère était une grande fan de lutte. Donc, j’avais à peine trois ans et elle me trimballait dans des galas de lutte. Nous étions crissement pauvres donc, je ne pouvais pas jouer au hockey dans des ligues. Mais, pour jouer à la lutte quand tu as 6-7 ans, ça ne prend pas grand chose. Un voisin qui met un vieux matelas à la poubelle et bingo, nous avions un ring de lutte. À l’adolescence, ça c’est compliqué. Trop vieux pour jouer à la lutte sur des matelas. Les seuls temps où je voyais de la lutte c’était à la télé. Je ne savais même pas qu’il y avait de la lutte indépendante au Québec. Je l’ai appris à 17 ans en 1994. Quand j’ai appris l’existence de cours de lutte à Montréal, je me suis inscrit. Cependant, je me suis déchiré tous les ligaments de la cheville droite et cela à mis une pause à l’entrainement.
J’avais 18 ans à l’époque, je n’avais pas de voiture donc même pour aller aux entraînements à Montréal, je devais prendre l’autobus et le métro. C’était compliqué. Je devais partir à 8h05 le samedi matin et le cours de lutte était de mémoire de midi à 15h. Après la blessure, un gars que je connais qui a eu longtemps un école de boxe me dit qu’il connait Len Shelley et qu’il accepterait de m’entrainer. Donc ça a durée pendant des mois et des mois. Je m’entrainais sous la supervision de Len en compagnie de son fils Éric, qui a d’ailleurs connu une belle carrière au Québec et qui a aussi eu un essaie à la WWF.
Par la suite, lorsque je me suis senti prêt, j’ai commencé à lutter. Après mon entraînement avec Len Shelley, nous avons ouvert une promotion de lutte à Valleyfield, la ACW. Nous étions situés en haut d’un commerce de chaussures. Nous étions très green. La fédération comptait sur des gars comme moi, Nightmare (un Hall Of Famer de la NCW), Nightstalker, Marty Hart, Raiden, Black Eagle et Franky the Mobster. Franky est arrivé quelques mois après moi.
L’expérience a durée moins d’un an. C’est à ce moment là que j’ai vu dans le journal local que la NCW venait faire un gala dans une ville à côté de chez moi. Il y avait un numéro de téléphone et j’ai décidé d’appeler. Ça été mon premier contact avec Bertrand Hébert. Fait à noter, à l’époque, je luttais sous le nom de Steven the Rocker. J’avoue c’est ordinaire comme nom. Il y avait déjà un Rocker à la NCW. Mon nom a donc été changé pour Steve Ace parce qu’on me présentait comme provenant de Las Vegas.
À l’époque quand un nouveau arrivait à la NCW, il y avait un genre de rituel. Le gars faisait des jobs pendant pratiquement 1 an. Cette règle a été changée pendant que j’y étais. Malheureusement, mon égo s’est mis à gonfler. En peut-être 3 mois, j’étais rendu champion. Du haut de mes 18 ans, je me suis mis à faire de l’attitude. Un vrai jeune tata. En y repensant, j’aurais probablement fait la même chose que l’organisation a faite, me crisser dehors.
Mais comme j’aimais tout de même la lutte et que je voulais lutter, j’ai commencé à me promener dans les fédérations. Mais, il me manquait toujours de quoi. J’en ai fait des matchs, des centaines à me dire qu’est-ce qui manque. Qu’est ce que je dois faire. Pour moi, il n’y a rien de plus plate qu’être pareil comme tout le monde. Je voulais faire différent. J’avais beau chercher mais ça donnait rien. Je ne trouvais pas.
Pour moi, tous les lutteurs peuvent faire une prise de tête, tous les lutteurs peuvent enchaîner les manoeuvres mais ça allait plus loin. Après quelques années à la ICW, j’ai fait une pause de lutte. Quelques mois sans plus. Je savais évidemment que j’allais remonter dans le ring, mais je ne savais pas de quelle façon. Pendant ce temps, Pierre Joly a ouvert la NWC. Je connaissais Pierre puisque nous avions été en même temps à la ICW.
Je l’ai appelé et je lui ai dit que je voulais faire un essaie dans sa fédération. Mais encore là, j’étais devant le néant. Je voulais faire différent. Je me suis mis à regarder des vieux VHS de lutte. De la lutte des années 50 à 80. Je voulais trouver ce qui manquait. Un moment donné je suis arrivée dans la cuisine et j’ai dit à ma femme: j’ai trouvé, je vais être l’Adorable Steve Ace. J’ai rappelé Pierre Joly et je lui ai dit que je ne pouvais pas être là, que je le rappellerais. Là le fun a commencé, trouver une couturière pour faire faire un costume, acheter de nouvelles bottes et tout ce qui vient avec. Finalement, je me suis présenté à la NWC et l’Adorable Steve Ace est né.
Pour la petite histoire, j’avais apporté une musique mais j’ignore pourquoi quand c’était le temps d’entrer le DJ m’a informé que ma musique ne fonctionnait pas. Je lui ai dit: mets n’importe quoi tant que ça bouge. Il a mis Love is Gone de David Guetta et j’ai toujours gardé cette musique. Après pratiquement 20 ans, je l’aime encore.
J’ai fait 2 saisons à la NWC et je suis repartie à la ICW. Le personnage fonctionnait à merveille. La réaction de la foule était incroyable.
Le samedi15 janvier 2011, j’ai lutté avec Ludger Proulx. Je vais me souvenir toujours de ce combat. Avec Ludger, on avait l’habitude de faire rentrer les coups. Ce soir là, je suis revenu chez moi et lorsque ma femme m’a vu elle n’en revenait pas. J’étais couvert d’ecchymoses. Le lendemain, c’était encore pire et j’avais énormément de douleur dans le côté gauche. Je croyais avoir une pierre aux reins et que les bleus étaient le résultat du combat. Rendu au mardi, ça n’avait plus de sens. J’avais vraiment mal. J’ai passé plusieurs tests et le lendemain, on m’a diagnostiqué un cancer. Je devais combattre une leucémie myéloïde aiguë. J’ai immédiatement été transféré dans un centre hospitalier spécialisé et dès le 21 janvier 2011, la chimiothérapie a commencé
En janvier 2011 j’ai commencé les traitements de chimio. C’était vraiment le plus gros combat de ma vie. Cette fois, il n’y avait pas de script ni de temps limite. Ce qui me faisait le plus mal c’est que je savais très bien que ma fille ne se souviendrait pas de moi si jamais je perdais le combat. Heureusement, par la grâce de Dieu, le 9 mai 2011 on m’a annoncé que j’étais en rémission.
Lors d’un contrôle sanguin en septembre 2011, j’ai demandé au doc si je pouvais reprendre la lutte. Elle m’a regardé dans les yeux et elle m’a dit : Tu n’as aucune restriction physique donc pourquoi pas. Dans le cadre du 24 h de lutte de la ICW, j’ai effectué mon retour. La musique jouait et j’avais les yeux pleins d’eau derrière le rideau. Pour moi, ça tournait la page. En 2014, je me suis lancé dans une autre aventure. J’ai acheté les Promotions MWF. Je présentais des galas deux fois par mois chez nous à Valleyfield. J’ai eu beaucoup de plaisir et évidemment des moments moins plaisants. Ce dont je me souviendrai longtemps c’est qu’un jour, j’ai contacté Pierre-Carl Ouellet pour connaitre son intérêt à venir faire un match. Il a accepté et par la suite, il a recommencé activement la lutte.
Mr D: Quelle formidable carrière tu as eu! Penses-tu pouvoir divertir dans le ring encore longtemps?
Steve: Il ne me reste pas pour une éternité à faire de la lutte. On va se dire la vérité, plus le temps passe et plus les lendemains sont ordinaires. Le corps humain est une belle machine, mais il n’y a rien de moins naturel que de prendre des chutes à répétition. Je sais que le moment viendra où je rangerai mes costumes définitivement. Cependant, j’ai encore énormément de plaisir. Je me surprends parfois à envier les jeunes lutteurs.
Moi, quand j’ai commencé, le chemin était boueux, les amateurs peu nombreux, la lutte avait une mauvaise réputation. Aujourd’hui, la lutte est redevenue populaire. Les salles sont pleines. Des fédérations comme la NSPW ou encore la GPW organisent des galas dans des stades ou des arénas. La lutte est vraiment en santé. Mais, pour en arriver là, il a fallu des gars qui débroussaillent, des scripteurs qui arrivent avec du nouveau, des gens qui maturent, et des passions qui se ravivent.
Désormais aller voir un gala de lutte est une expérience. Le spectateur fait partie intégrale du spectacle. C’est un happening. Bien que tous sachent que la lutte est scriptée, elle fait vivre de vraies émotions.
Bien que la lutte est réellement ma passion dans la vie, j’ai une vie à l’extérieur de ce domaine. Steve Sauvé a une femme extraordinaire, une famille, des amis, une vraie vie en fait. Tout cela pour dire que la journée où je mettrai Steve Ace sur la tablette, je vivrai encore. Je sais très bien que ce n’est pas tout le monde qui m’aime dans la le domaine de la lutte. Je ne te dirai pas que tu es bon ou beau uniquement pour que tu m’aimes. Si je complimente quelqu’un, c’est que je le pense sincèrement. D’un autre côté, si je trouve que la personne est un estie de téteux, je vais le garder pour moi. Mais je n’irai pas lui faire de beaux yeux. Je vais la saluer, lui parler, mais disons que la conversation sera superficielle. Ce ne sera pas une conversation qui dure une éternité et dans laquelle nous aurons jasé des vraies affaires.
Mr D: Avant de terminer, j’aimerais bien que tu me nommes quelques coups de coeur que tu as eu durant ton impressionnante carrière!
Steve: En pratiquement 30 ans, j’en ai vu des gars passés. Certains étaient incroyables alors que d’autres… Si je devais parler uniquement de mes coups de cœur, je dois te nommer, Kevin Martel pour son ensemble, Tommy Rose, qui combinait look et talent, je dois te parler de Ludger Proulx, pour sa capacité à interagir avec la foule et à improviser. Je dois aussi mentionner Franky the Mobster, qui a été longtemps le lutteur le plus complet au Québec, Eric Shelley pour l’humain incroyable qu’il est et depuis 2 ans, je dis partout qu’en ce moment, le meilleur est Kevin Blanchard.
Mr D: Et quel serait tes meilleurs matchs, ou ceux que tu as préféré pour une raison ou une autre?
Steve: Pour ce qui est de mes combats préférés, c’est plus difficile. Mais de partager le ring avec plusieurs lutteurs au Québec a été un privilège. Je sais que pour les prochains mois, mon calendrier est bien rempli. Il y a des gars avec qui je n’ai jamais travaillé et dont les combats sont déjà prévus. Je vais laisser le soin aux promoteurs d’en faire les annonces, mais ça devrait avoir un excellent résultat. (On a entre autre appris samedi dernier à la ICW que l’Adorable Steve Ace allait affronter le BeastKing FTM en décembre!)
Il y a quelques années, j’ai fait un Ironman match avec Ice. C’est certainement le combat dans lequel j’ai dû puiser dans toutes mes énergies. Après 40 minutes, j’étais mort. Mais je savais qu’il en restait encore 20 autres. Aussi, dans le cadre d’un festival dans mon coin, j’ai affronté mon fils. Nous rêvions tous deux de faire ce combat. Finalement, chaque fois que je vais dans une nouvelle fédération, je vois cela comme si je devais prouver que j’ai ma place là.
Mr D: Durant ta longue carrière, as-tu réussit à rester loin des blessures?
Steve: Outre une commotion confirmée et une autre suspectée, ma plus grosse blessure est survenue à l’entraînement. Jacques Rougeau me contacte pour que j’affronte son fils en finale à Trois Rivières. J’accepte, mais Jacques insiste pour que j’aille pratiquer le match car son fils n’a pas le temps d’en apprendre un nouveau. Pendant une manoeuvre, Cédric pousse beaucoup trop et je traverse par dessus le troisième câble.
Déchirure complète du ligament collatéral interne, déchirure complète du ligament entrecroisé et le ménisque en miette. Opération et convalescence de 5 mois. Tout cela car le gars qu’il pushait n’avait pas l’expérience.
Mr D: As-tu remporté des championnats depuis le tout premier à la NCW quand tu avais 18 ans?
Steve: J’ai gagné plus de 15 titres en carrière. Mais je n’accorde pas d’importance à cela. La seule fois où j’ai trouvé cela significatif c’est pendant que ma mère combattait le cancer. C’est elle qui m’a fait découvrir la lutte donc lorsque j’ai remporté le titre ultime de la ICW, j’ai apporté la ceinture avec moi et j’ai été prendre des photos avec ma maman. Quelques semaines plus tard, elle a rendu l’âme. À l’opposé, mon pire souvenir a la lutte: le décès d’Éric Denis. Je suis de ceux qui ont pratiqué le massage cardiaque avant que les paramédics arrivent.
Mr D: Ouf! On peut dire que ta carrière est rempli d’émotions, et tu continues encore de nous en faire vivre à toute les fois qu’on a le plaisir de te voir en action! Merci beaucoup Steve!
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